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5 sept. 2009

eSCM et sourcing IT : vers un référentiel de la relation client-fournisseur Par Benoît Leboucher, Directeur chez Logica Management Consulting (http://www.itchannel.info/articles/94513/escm-sourcing-it-vers-referentiel-relation-client-fo





Aujourd'hui, l'externalisation, de plus en plus présente dans les projets informatiques, doit faire face à un constat inquiétant. Environ un contrat de sourcing IT sur deux connait des difficultés dans les deux ans qui suivent sa mise en œuvre. Manque d'expériences, de démarches claires ou de méthodes sont autant de facteurs pouvant expliquer ces mises en échecs. Pour pallier à ses écueils, il existe, depuis deux ans, un vrai référentiel ayant déjà fait ses preuves : l'eSCM.

Dans un monde de plus en plus systémique et avec l'émergence du concept d'entreprise étendue, la relation client-fournisseur revêt une importance de plus en plus grande.

Après une vague d'externalisation relative aux fonctions les plus connexes à l'entreprise telles que la restauration ou les services généraux, on assiste à l'émergence d'une deuxième vague consacrée au Facility Management. Ainsi, depuis une dizaine d'années le multi-sourcing de la fonction IT et de fonctions supports telle que la fonction RH voient le jour.

Les leviers principaux de l'externalisation sont la réduction des coûts et le recentrage sur des activités « cœur de métier » afin de piloter des entreprises à la taille de plus en plus conséquente, suite aux méga fusions d'entreprises des années 90 et 2000 et à l'amélioration de la qualité de service. Les évolutions technologiques telles que l'augmentation du débit des câbles réseaux ont également grandement renforcé ce phénomène et favorisé l'émergence des contrats dits « offshore ».

Réduire les coûts sans dégrader les services

Aujourd'hui, en France, il y a très peu d e contrats d'externalisation dans le monde industriel ou bancaire de la fonction informatique qui ne se signent sans une composante Inde ou Maroc. Ces contrats d'une durée de 3 à 5 ans sont mis en place relativement rapidement (entre 12 et 18 mois).

Or, un constat s'impose : des dysfonctionnements endémiques viennent entacher le bon déroulement de ces partenariats. Là où le but recherché est de diminuer les coûts en améliorant le service, il n'est pas rare de constater une dégradation des services et un accroissement des coûts.

Parmi les principaux dysfonctionnements :

- Le prestataire, qui a du concéder de nombreux points de marge lors de la négociation finale, cherche à se refaire en positionnant des ressources à moindre prix et en délivrant des services de moindre qualité.

- Le client n'a pas su exprimer clairement son besoin et n'a pas toujours la capacité ni les compétences adéquates pour piloter ces contrats.

- Le langage utilisé est souvent différent entre le client et son prestataire.

- Les relations sont construites sur des bases souvent déséquilibrées puisque le prestataire a l'habitude de l'outsourcing alors que le client est sur une courbe d'apprentissage et chaque faux pas coûte cher.

- Le prestataire doit disposer des bonnes compétences au bon moment en fonction des projets mais au meilleur prix et avoir un maximum « d'offsites » sans une modification importante des pratiques du client et une conduite du changement forte. Il convient également d'industrialiser les processus tout en continuant à utiliser des référentiels du client pas toujours adaptés et d'obtenir un apport de conseil et d'innovation que le client refusera de payer en plus.

L'externalisation, une tendance lourde

Une question se pose aujourd'hui : fau t-il continuer dans cette voie ou re-internaliser massivement les prestations ? Le Royaume-Uni, pays en avance d'une dizaine d'années sur la France sur ce sujet et qui a externalisé massivement et en bloc dans les années 90, a procédé à la ré-internalisation d'un certain nombre de contrats. En France, un contrat sur deux est en échec dans les 2 ans et 50 % sont remis en concurrence, processus à la fois long et coûteux pour l'entreprise.

Nous sommes toutefois convaincus que l'externalisation est une tendance de fond irréversible : 79 % des entreprises interrogées par le Cigref en 2008 considèrent l'externalisation comme stratégique et majeure.

Mais cela, à la condition que quelques fondamentaux soient établis. Premièrement, il est important de gérer ces projets comme des projets de transformation. En effet, avant de se lancer dans un contrat d'outsourcing, les entreprises doivent définir leurs besoins en système d'information pour les 5 ans à venir : Quels services ? Quel positionnement de la DSI par rapport aux directions métiers ?

Il s'agit de construire une stratégie de sourcing (aujourd'hui, une grande entreprise sur deux n'a pas de stratégie de sourcing à jour) et de répondre aux questions suivantes : enjeux, objectifs, contraintes, périmètres, schémas de sourcing.

Dans un second temps, construire un véritable partenariat basé sur la confiance devient essentiel. La confiance, difficile à obtenir, facile à perdre, constitue la garantie de passer les crises sans trop de casses. Un de nos clients m'a dit un jour que « tout cela ce sont des mots et la seule relation qui compte c'est le mode client fournisseur, chacun cherchant à se refaire sur le dos de l'autre ».

Des enjeux complexes

Je rest e pour ma part convaincu qu'on peut aller beaucoup plus loin dans un mode partenariat. Mais ne nous trompons pas d'objectif. Il ne s'agit pas de vendre un produit mais de piloter conjointement sur une durée relativement étendue des enjeux communs vis-à-vis des directions métiers.

Un autre enjeu fondamental réside dans la gestion des compétences internes de l'entreprise et en conséquence dans la professionnalisation du sourcing. Comment passer du mode faire au faire faire, telle est la question. Les compétences requises pour piloter un contrat de sourcing ne sont pas les mêmes que celles mises en œuvre pour gérer des équipes agrégées et localisées. Comment un chef de projet qui a piloté ses ressources en mode proximité va-t-il pouvoir gérer un contrat ou un ensemble de contrats avec des indicateurs ?

Dans ces cas là, la tendance naturelle peut être de passer derrière le travail accompli par le prestatai re selon le principe du « je ne fais bien que ce que je maîtrise ». Mais face à cela, il devient difficile de maitriser le projet par des indicateurs, il s'agit alors de piloter.

En outre, il est primordial de parler un langage commun et de piloter les ajustements culturels.

Quand on évoque l'ajustement culturel, il est fréquent de penser aux Indiens et à l'offshore mais avant cela, n'oublions pas que chaque organisation de taille importante a sa propre histoire et sa culture spécifique. Converger les cultures, cela commence par le local.

Enfin, mettre en place une gouvernance efficace est un facteur clé de succès de la réussite d'un projet de sourcing.

En effet, une gouvernance repose sur une organisation et des rôles, des instances, des indicateurs et quelques procédures.

On ne connaît bien que ce qu'on mesure

L'organisat ion du prestataire doit se positionner en miroir de l'organisation du client avec poste dédié à la gestion de la transition et de la transformation. Parmi les indicateurs de réussite, il faut distinguer les KPI (Key Performance Indicators) donnant lieu à pénalités des indicateurs classiques de pilotage ; les premiers sont en nombre réduit et doivent être représentatifs des enjeux clés de la prestation de services IT. Tous les indicateurs doivent être mesurables, clairs, partagés, précis et faciliter la prise de décision.

Dans ce cadre, l'université de Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie) a défini les bonnes pratiques à mettre en œuvre au sein des organisations clientes et prestataires pour assurer la réussite des opérations de sourcing. Ces pratiques ont été regroupées dans un référentiel nommé eSCM ou eSourcing Capability Model qui permet d'évaluer l'aptitude d'une organisation au sourcing, de se comparer pa r rapport à d'autres organisations et d'activer des plans d'amélioration.

Ce référentiel est composé de deux modèles : le modèle S qui s'adresse aux prestataires de services et le modèle eSCM CL consacré aux clients. A partir des risques identifiés et des remontées des clients ou des prestataires, les chercheurs de l'université ont identifié 12 enjeux considérés comme critiques au succès des projets d'eSourcing. On retrouve parmi eux les relations entre les différents partenaires internes et externes, la gestion des compétences et des bases de connaissance, le pilotage de l'innovation et la gestion de la réversibilité.

Il s'agit davantage d'adresser des sujets liés au capital immatériel de l'entreprise tel que la confiance, les relations, les ajustements culturels que d'un référentiel technique. Dans un monde où les projets acquièrent fréquemment une dimension planétaire, la composante conduite d u changement et gestion des hommes revêt souvent plus d'importance que la capacité à paramétrer en Java. On ne gère pas des projets de plusieurs centaines d'Equivalents Temps Plein sur plusieurs continents comme on gérait de l'assistance technique de développeur Java.

Ce référentiel a notamment été utilisé lors de la mise en place d'un centre de services partagés pour une grande entreprise du CAC 40. Il s'agissait de casser les barrières et de mutualiser tous les développements informatiques. Nous nous sommes appuyés sur les deux composantes du référentiel CL et SP pour adresser à la fois les relations avec les prestataires de services de l'usine à développement et les relations avec les différents clients. Cet outil nous a permis d'être plus convaincants vis-à-vis des directions métiers parfois réticentes à l'opération et de se focaliser sur les points spécifiques à enjeux forts.

Un deuxième cas d'emplo i est la gestion des appels d'offre complexes. Un certain nombre de 95 pratiques peuvent être mises en œuvre pour accélérer le pilotage de l'appel d'offre et en conséquence le retour sur investissement.

Le référentiel a également été utilisé avec profit dans l'amélioration de la relation avec un fournisseur en particulier pour mettre en place les bonnes pratiques qui font souvent défaut.

Pour conclure, soulignons que si, bien évidemment, rien ne remplacera les vertus de l'expérience un référentiel sur le sourcing tel que eSCM - de même qu'il y a en a sur la production des services avec ITIL et le pilotage de projet avec CMMI - permet à la fois d'être systématique et exhaustif dans la démarche, de récupérer des bonnes pratiques et surtout de se poser les bonnes questions, même si la réponse doit toujours être trouvée par le client ou le prestataire.

eSCM peut constituer un outil majeur dans le ré équilibrage et le succès de la relation client-prestataires, aujourd'hui en catharsis. Cette adoption ne doit pas concerner uniquement la DSI mais tous les acteurs impliqués dans le sourcing et notamment la direction des Achats et la direction juridique mais aussi les maîtrises d'ouvrage des directions métiers.

Soulignons enfin que ce référentiel s'applique aussi au Business Process Outsourcing ou externalisation des processus métiers tels que la comptabilité, la paye ou les ressources humaines et que sur ces thèmes, de nouveaux territoires sont en train d'être défricher avec un besoin important de cadre normatif.

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A propos de l'ouvrage
« eSCM et Sourcing IT» par Georges Epinette, DOSI du Groupement des Mousquetaires, Benoit Leboucher et Pierre-Dominique Martin respectivement Directeur et Directeur Général chez Logica Management Consulting.

Co-écrit par Georges Epinette, Benoît Leboucher et Pierre-Dominique Martin, cet ouvrage dresse un état des lieux de la relation client-fournisseur, principale problématique des DSI d'entreprises, dans le cadre de projet d'externalisation. Ainsi, ce livre qui propose les trois points de vue de la relation : client, prestataire et consultant, s'appuie sur des retours d'expériences d'entreprises françaises. Il répond aux questions des DSI, directeurs fonctionnels ou chefs de projets qui cherchent à améliorer la qualité de leurs relations avec leurs prestataires de services informatiques et BPO .

A propos de Benoît Leboucher

Ingénieur de l'ENSEEIHT et de l'IAE de Paris, Benoît Le boucher est Directeur en charge des activités de conseil en sourcing et gouvernance de l'externalisation chez Logica Management Consulting France. Il assume également le pilotage du conseil en sourcing IT et BPO pour l'ensemble des entités internationales du groupe Logica. Il a également piloté de grandes opérations d'outsourcing au sein du groupe Logica. Auparavant, Benoît Leboucher a passé 20 années dans le conseil au sein de cabinets tels que Price Waterhouse,Coopers, BearingPoint, Andersen Business Consulting ...






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